Je m’appelle Chloé (pseudonyme) et j’ai 34 ans.
J’ai grandi en France, et toujours été très coquette. Adolescente, avec mes longs cheveux bouclés, j’ai toujours associé ma chevelure à ma féminité, dans une société où l’apparence physique est malheureusement la clé de voute de l’identité d’une personne.
Avec toutes les contraintes et pressions sur le physique des femmes, notamment sur la tenue vestimentaire, le poids etc.. Mes cheveux étaient l’élément phare sur lequel je m’accrochais pour me sentir bien, belle et forte à mes yeux.
Dans ce contexte, ils constituaient une vraie partie de mon identité.
Mais l’été dernier, tout a basculé.
En pleine période de canicule, alors que j’ai attaché mes cheveux en « chignon haut » pour me soulager de la chaleur ambiante, ma sœur, avec qui j’étais allée faire des courses, m’interpelle en sortant du magasin.
« Ma Chloé, il y a quelque chose qui ne va pas. Arrête-toi, tu as… tu as un trou » me dit-elle. Je n’ai pas du tout compris de quoi elle voulait parler ni où elle voulait en venir en exprimant cette parole.
Elle prend en photo l’arrière de mon oreille avec son téléphone et me montre l’image.
En voyant l’image sur l’écran, le monde s’écroule sous mes pieds. Ce qui me relie à ma confiance en moi est donc en train de disparaitre. Je regarde avec effroi la vision terrifiante d’un trou sans cheveux derrière l’oreille, de la taille d’une très grosse pièce de monnaie. Comment n’ai-je pas pu le voir avant ? Depuis quand est-ce là ? Est-ce que c’est le début de quelque chose ? Toutes ces questions me propulsent dans une peur panique.
Prise donc de panique, je suis allée en pleurs le jour même chez un premier médecin généraliste de garde, qui m’a tout de suite diagnostiqué « une pelade ».
Il m’explique qu’il s’agit d’une maladie auto-immune, et que mes anticorps prennent mes cheveux pour un corps étranger, et les détruisent. Une amie m’ayant fait quelques mèches blondes chez moi pour l’été quelques semaines avant, elle aurait remarqué ce trou à ce moment-là. Ma plaque d’alopécie est donc très récente. Rebondissant sur cette information, le médecin m’explique que la chute est allée très vite, et que la plaque d’alopécie risquait ainsi fortement d’évoluer, voire de se multiplier. Aucun traitement ne m’a été proposé à part du Minoxidil, ainsi que des « conseils pour gérer mon stress ».
Pour lui, cela était dû à un traumatisme psychologique ou une mauvaise gestion des émotions. Ce qui est, par ailleurs, très culpabilisant. Tout cela était donc de ma faute.
Ce qui m’arrivait ainsi que l’impact psychologique de la situation a été pris très à la légère par le médecin qui m’a reçue, car la pelade n’est pas considérée comme une « maladie grave ».
Ne vous inquiétez pas « pour si peu », « cela repousse », et si cela s’étend, il m’a dit que l’on faisait de « très belles perruques de nos jours ». Merci pour cette empathie.
Cette situation m’a mise dans un état très difficile psychologiquement, car je voyais chaque jour des quantités très importantes de cheveux tomber sans ne pouvoir rien faire. Je me demandais si j’allais devenir chauve, ce qui est quelque chose de compliqué socialement à cause du regard des gens dans la vie intime, sociale ou professionnelle. Le port de la perruque est également quelque chose de difficile à faire, et surtout ne permet pas de camoufler son crane 24h/24 dans l’intimité par exemple.
J’admire de tout mon cœur les femmes qui en portent, temporairement ou de façon permanente. Et je profite de ce témoignage pour leur exprimer tout mon respect. Aujourd’hui, les femmes avec une alopécie, quelle qu’elle soit, sont incontestablement les femmes les plus belles.
J’ai été adressée par ce premier médecin à un dermatologue, qui m’a également confirmé le diagnostic de pelade, sans même prendre plus d’une minute pour examiner mon trou d’alopécie.
J’ai insisté pour qu’il regarde davantage mon cuir chevelu, afin de me rassurer, ou de trouver une autre piste. « Il existe d’autres causes d’alopécie, mais je sais reconnaitre une pelade quand j’en vois une, et là vous pouvez être sûre à 100% qu’il s’agit de cela, madame. » Le dermato m’explique qu’il a d’autres patients qui attendent leur consultation, et que ne souhaite pas « perdre du temps » à observer mon crâne plus que ça.
« Et puis, il faut dédramatiser madame, ce n’est pas un cancer non plus. » Ah oui, c’est vrai ! Merci docteur, je me sens beaucoup mieux !
Je me suis sentie très seule et démunie. J’avais l’impression que le monde s’écroulait sous mes pieds encore une fois. Le diagnostic était confirmé ; j’étais donc atteinte de cette pathologie qui n’a pas vraiment de traitement, et à l’impact social et moral totalement minimisé par le corps médical. Il m’a prescrit une crème à la cortisone pour ralentir la chute, mais ne garantissant pas que d’autres trous se forment, et ne pouvant m’indiquer une date de repousse.. Les personnes qui sont atteintes de cette pathologie comprennent ce sentiment de détresse totalement incompris (Force à elles)
Alors que mon moral était au plus bas, je n’arrivais pas à accepter cette situation ni ce diagnostic. Je précise qu’il n’y a aucun antécédent connu d’alopécie dans ma famille, à part l’alopécie androgénique chez les hommes de plus de 60 ans.
Obstinée par mon refus d’acceptation du diagnostic, je suis donc allée voir un autre médecin généraliste (qui est d’ailleurs mon médecin traitant, revenu de vacances) afin d’avoir un second avis de médecine générale.
Je lui fais part de ma difficulté à accepter le diagnostic d’une pelade, de ma volonté de creuser les autres possibilités médicales.
Ce dernier m’a -enfin- dit que ce genre d’alopécie pouvait en effet, également être provoquée par d’autres causes et me demande si j’ai été en contact avec des animaux ces dernières semaines. Je ne possède pas d’animal de compagnie, mais en creusant dans mes souvenir du début de l’été, j’ai bien caressé quelques secondes un chat tout mignon dans la campagne, au détour d’un chemin de promenade. Et là, tout s’éclaire. Ainsi, il me prescrit des analyses mycologiques en laboratoire afin d’écarter la présence d’un champignon. Mon médecin m’explique néanmoins qu’il s’agit d’une infection rare chez l’adulte. La possibilité de trouver un champignon est donc minime.
J’imagine que la rareté de cette affection chez l’adulte est la raison pour laquelle ce diagnostic a été éludée par les deux médecins précédents… Le dermato aurait simplement pu regarder ma lésion à la lumière de wood (le champignon apparait fluorescent) mais il était trop pressé…
J’effectue, un prélèvement de mon cuir chevelu (sur la partie sans cheveux ) en laboratoire d’analyses médicales. On m’explique au laboratoire que les résultats sont dans 4 semaines. Pendant ce temps, je vois ma plaque d’alopécie s’agrandir sans que je ne puisse rien faire. J’ai également perdu un bout de sourcil.
Heureusement, une semaine après, le laboratoire appelle pour m’informer de la « présence de spores » sur mon cuir chevelu. Mon médecin m’a immédiatement prescrit un antifongique local (Econazole) et oral (Terbinafine) pour empêcher la progression du champignon qui progressait à grands pas.
Je me suis alors confinée chez moi afin de ne pas infecter mon entourage, ne sachant pas vraiment dans quelle mesure j’étais contagieuse. Quelques secondes à toucher un chat (surement porteur sain car sans trace de pelade) et passer ensuite la main dans mes cheveux, ont suffi pour me contaminer…
A l’arrivée des 4 semaines, les résultats se sont révélés positifs à la présence du champignon suspecté (« microsporum canis »)
Le diagnos5c de pelade était donc faux. Les deux premiers médecins (dont le dermatologue) avaient éludé d’office ce diagnostic, à tort.
Car la variante du champignon que j’ai eu ne comportait pas d’indices dermatologiques de peau squameuse ou infectée comme souvent décrite. Ma peau semblait saine, et mes cheveux comme « tondus » passant pour des repousses.
Mon médecin traitant a eu raison de vérifier, et a ainsi sauvé mes cheveux dans la foulée…
Si je n’étais pas allée voir mon médecin traitant pour un deuxième avis de médecine générale, je serais encore aujourd’hui infestée par le champignon et en train de perdre tous mes cheveux par paquets.
Bien qu’elle soit « rare » chez les adultes, la « teigne du chat », « teigne tondante » ou encore « microsporum canis » n’est donc pas transmissible qu’aux enfants, c’est faux, j’en suis la preuve.
Cette expérience a été très difficile à vivre, d’autant que personne ne semble témoigner sur internet d’un parcours similaire. Cela m’aurait beaucoup aidée, alors je le fais.
C’est pourquoi, si vous avez été en contact, même qu’une seule fois, de façon brève avec un animal de compagnie (chat ou chien ou rongeur, comportant des plaques de pelade ou non -il existe des porteurs sains-) ou un objet qui aurait pu toucher un animal (plaid, tissus…) et que vous constatez une plaque d’alopécie, le champignon de la teigne est une probabilité faible, certes, mais existante.
Aujourd’hui, mon traitement est terminé et les cheveux ont commencé à repousser sur la zone, dès la deuxième semaine du traitement antifongique. Cette expérience a été assez traumatisante, je ne la souhaite à personne. Je suis très reconnaissance d’être tombée sur un médecin traitant suffisamment compétent pour envisager réellement toutes les possibilités avant de poser un diagnostic. Cela m’a sauvée de cette situation. Et je constate, malherureusment, que cela n’a pas été le cas de la part de tous les médecins…
J’espère que mon témoignage aura pu être utile. Je précise qu’il ne s’agit que de mon témoignage, cela ne se substitue en aucun cas à une consultation médicale, et n’a pas vocation à s’appliquer à tous et toutes. Dans tous les cas, il est bien sur essentiel de se faire prendre en charge au plus tôt en cas de symptômes similaires, de bien choisir votre médecin afin de pouvoir dialoguer avec ce dernier.
Je tiens à remercier l’association La Tresse qui a été la seule chose pouvant m’apporter du réconfort lors de cette période difficile. Le travail de cette association est formidable et eessentiel. Je crois que je souhaite terminer ce témoignage avec le seul et unique mot que j’ai à dire à l’assoiciation La Tresse : MERCI
Chloé.